C’était un soir comme les autres. Une veille de week-end. Un vendredi. Partout, en France, la nuit s’annonçait, festive pour les uns, reposante pour les autres. Pourtant, ce soir une seconde nuit s’est abattue sur la première.

 

Chacun de nous se souvient de ces heures effroyables. Où étions-nous ? Que faisions-nous ? Nous n’oublierons pas ce premier message, ce premier appel. Les inquiétudes grandissantes auxquelles nous ne savions vraiment répondre. Et puis l’effroi qui nous a traversé le corps. La réalité à laquelle nous ne voulions pas croire. Qui nous a précipités vers le premier poste de télévision disponible, nous exposant à l’impuissante contemplation d’un chaos qui n’en était qu’à son commencement.

 

Notre pays a été de nouveau attaqué. Des bombes ont explosé. On a tiré dans les foules. A Saint-Denis et à Paris, des innocents ont été assassinés. D’autres ont été gravement blessés. La barbarie est entrée dans la ville et s’en est prise à nos forums : le Petit Cambodge, le Carillon, la Bonne Bière, le Comptoir Voltaire, la Belle Equipe, le Stade de France, le Bataclan. Pris pour cibles parce qu’ils étaient des lieux de joie collective.

 

Ce soir-là, 130 corps se sont écroulés à tout jamais, coupables d’avoir voulu faire la fête, d’avoir su vivre. Des centaines ont été meurtris, percés, déchiquetés, coupés par le fer et le feu. Coupables d’avoir incarné le bonheur, la nonchalance, la liberté. Ils étaient de tout âge, exerçaient tous les métiers. Ils venaient de toute la France, certains des quatre coins du monde. Ces terroristes ont brisé des familles, rompu des amours naissants, privés des enfants de leurs parents. 130 cœurs ont cessé de battre Paris. 130 âmes s’y sont éteintes. Elodie, Nicolas, Halima, Lola, et tous les autres. Tous ces prénoms que nous n’oublierons jamais.

 

Dans ce chaos, on ne rendra jamais suffisamment hommage à l’exemplarité de nos policiers, de nos gendarmes, de nos pompiers, infirmiers, médecins, ambulanciers, et tant d’autres qui sont allés au bout de l’horreur imaginable pour sauver nos vies et préserver notre sécurité. Je veux leur dire Merci. Nous savons. Nous savons votre courage, votre dévouement, votre amour de la France, l’écho de votre abnégation résonnera pour des siècles encore dans chacune des rues de notre pays.

 

Et puis tous ces citoyens héroïques, face à la lâcheté des assaillants : les survivants des attaques sur les terrasses des bistrots qui viennent en secours aux blessés sans toujours se soucier de leur propre sécurité, les nombreuses aides que se sont apportées les victimes du Bataclan pour s’en échapper, les voisins descendus prêter main-forte aux secouristes et tant d’autres encore. L’épreuve que nous avons traversée nous a fait grandir. Grandir pour réaliser l’absolue nécessité de rester jeune. C’est-à-dire se plaire à danser jusqu’à l’épuisement, discuter jusqu’à l’aube, écumer les terrasses comme on conquiert le monde. Jusqu’à plus soif. Et puis rire. D’un rire qui porte loin. Qui viendrait fissurer le carcan délabré des fantasmes funèbres auxquels se sont attachées les hordes fanatiques. Un de ces rires qui viendrait suggérer la possibilité d’une humanité au plus barbare des hommes.

 

Voilà notre combat. Celui du bonheur collectif. Nous le savons depuis le 13 novembre 2015 : le bonheur et notre incorrigible joie de vivre sont notre première résistance à l’oppression.
Et la joie de vivre française sera toujours plus forte que l’addition de leurs haines, négligemment couvertes sous les haillons d’un Dieu dont ils trahissent la cause. Voilà pourquoi ils ne vaincront pas.

 

Ces jours-ci, alors que la question la laïcité a été une nouvelle fois confisquée par les extrêmes de tous bords, la commémoration du 13 novembre est d’une importance particulière : nous commémorons les martyrs de la République française. Une République fraternelle, laïque, dans laquelle toutes les croyances religieuses ont leur place. Une République dans laquelle nous ne cesserons jamais de combattre les haines et les discriminations.

 

Huguette Tiegna 

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