Madame, Monsieur,
Mes cher.e.s ami.e.s,

Honorer la mémoire de Gaston Monnerville, en ce trentième anniversaire de sa disparition, relève pour beaucoup d’entre-nous, notamment pour le Comité pour sa panthéonisation, d’une réparation et d’un devoir pour le tirer de l’oubli en lequel, il fut trop longtemps, cantonné par nos médias, nos institutions.

Oui, cet homme d’Etat a traversé et marqué 3 républiques : la troisième, la quatrième et la cinquième en restant fidèle à l’esprit qui fait l’unité de notre nation : La défense des droits de l’homme, l’Ecole et la République.

Sa vie durant, il ne manquera pas de répéter qu’il doit tout à l’école publique, tout à la république et son devoir était de les servir pleinement et entièrement. Ce qu’il réussit admirablement avec abnégation, fidélité et droiture.

Ce petit-fils d’esclave, enfant des Outre-mer, né en Guyane à 7000 km de la métropole avait comme inspirateurs des êtres d’exception, pères de la République : l’Abbé Grégoire, La mère Javouhey, Victor Schoelcher et des exemples vivants tels : son frère Pierre qui le précéda d’une année comme boursier à Toulouse et Félix Eboué son ainé de quelques années.

Brillant élève récompensé par de nombreux prix dans toutes les matières il eut très bien pu être ingénieur, médecins, enseignant… mais c’est le droit qu’il choisit, sans doute pour transcender le sort réservé par le gouverneur Rodier qui révoquât arbitrairement son père de son poste de petit fonctionnaire de la coloniale, parce qu’il ne voulait pas se soumettre, l’ors des élections, à des petits « arrangements voulus » pour soutenir le candidat officiel imposé par le gouverneur.

Voici ce qu’il nous en dit, extrait de : « Gaston Monnerville « Témoignage »

« …Mon père fut convoqué au cabinet du gouverneur qui voulut l’oblige à voter pour son candidat. Il allât jusqu’à le menacer de sanctions administratives graves en cas de refus. C’était la seule chose à ne pas dire à Saint-Yves Monnerville ; car, n’admettant pas l’intrusion du pouvoir dans ses opinions personnelles et dans ses choix politique, hérissé dans sa fierté, il répondit, non avec quelque vivacité : « monsieur le gouverneur, comme chef de la colonie vous avez le droit de me donner des ordres quand il s’agit de mes fonctions, et j’ai le devoir de les exécuter ; mais lorsqu’il s’agit de mes opinions de citoyen et surtout d’un vote à émettre, je suis seul maître de mon choix, et je n’ai d’ordre à recevoir de quiconque. » Reconnaissez que pour répondre de la sorte à un tout puissant gouverneur, surtout à cette époque, il fallait quelque courage civique. Le dimanche venu, mon père vota comme il l’avait dit. Peu après, il était révoqué par ce gouverneur. Et pendant plus de deux années son foyer, ses enfants connurent la gêne, et parfois la faim… ».

Sa mère petite couturière, avec ses faibles revenus, ne pouvant à elle seule subvenir aux besoins de la famille. C’est grâce à l’oncle : Saint Juste Orville, à l’environnement d’entraide du voisinage qu’ils purent survivre. C’est à cette école là aussi que se nourrit le jeune Monnerville et donc il tira les bases fondamentales construisant son caractère et sa volonté de devenir un homme juste et intègre qui tiendra compte des autres.

il eut le privilège de prononcer sa célèbre plaidoirie avec laquelle il réussit à convaincre les jurés de sauver les têtes des émeutiers de Cayenne, dite : l’Affaire Galmot. Ainsi la boucle est bouclée, car à l’occasion de ce procès retentissant, il mettra à la lumière du pays, les méthodes et pratiques de l’administration coloniale dans les Outre-mer qui sont si néfastes à la justice tant elles étaient tyranniques et iniques. Cette affaire Galmot le démontrera et lui offrira l’acquittement des émeutiers de Cayenne qui le propulse en politique. Car venant les territoires de Outre-mer, de Guyane, des Antilles, d’Afrique, de l’Inde française, de l’Indochine… des délégations lui adressèrent ce message : «… V ous avez pris la responsabilité de défendre le droit des hommes des Outre-mer devant l’opinion française. Vous devez aller continuer cette action au parlement… ».

Ainsi, lui qui avait juré avec Campinchi, de ne jamais aller au palais Bourbon, se retrouva député élu de Guyane à une écrasante majorité en 1932 et 1936. Rallié au parti radical de gauche. Il lui restera fidèle jusqu’à la fin de sa carrière.

Dès lors, il met un point d’honneur à faire fermer les bagnes de Guyane qui n’était disait-il qu’une affreuse sentine qui gangrénait son pays natal et nuisait à l’image de la France sur le plan international. Cela sera chose faite en 1938 bien qu’il faille attendre 1946 pour qu’elle y soit définitive. Cette décision lui coutera sa réélection, car l’économie lié aux bagnes et les familles en dépendantes ne lui pardonneront jamais d’avoir tari leurs revenus.

Une autre bataille faisait chaud à son cœur : la départementalisation des quatre vielles, entendez : la Guyane, la Réunion, la Martinique, la Guadeloupe, réclamée depuis 1840. Elle interviendra en mars 1946. Mais il était également un fervent militant de l’Union française dont il rapporte les propos de Ferhat Abbas, député d’Algérie, rappelant les paroles de Saint-Just : « Nous irons à travers l’Europe semer les Républiques » complétant, « Nous irons non seulement à travers l’Europe, mais à travers l’ Asie et l’Afrique semer des Républiques ! ». Cette belle idée de l’Union française sera par la suite vidée de sa substance et deviendra la Communauté française avec les conséquences que nous lui connaissons.

Gaston Monnerville est aussi un visionnaire notamment, en 1933, sur l’esplanade du Trocadéro, où il prononça un discours, alors que l’Europe se radicalise, l’Allemagne se nazifie avec la nomination de Adolphe Hitler à la tête de la Chancellerie du Reich, la France même, avec en cours de création le « Francisme » véritable parti fasciste de marcel Bucard… où il dénonça avec force la persécution des juifs en Allemagne, tout en faisant un parallèle avec les Héréros de Namibie. Il essaya de convaincre ses collègues, lui ayant lu Mein Kampf, que ce qu’écrivait Hitler, il fallait s’en méfier car, il le ferait. Malheureusement l’Histoire lui donna raison.

C’est ce texte qu’aujourd’hui, je voudrai vous offrir, car à mes yeux, il est le symbole de l’unicité des peuples. Et qu’il convient, aujourd’hui plus que jamais, de ne pas oublier qu’ils peuvent tour à tour, en raison de leur couleur de peau, de leur origines, de leurs lieux de naissance, de leurs milieux sociales… être victimes des discriminations, de l’antisémitisme, du racisme, du sexisme… Ce texte devrait être dans toutes les écoles, toutes les mairies, toutes les associations citoyennes car nous en avons besoin et nos jeunes en désirance sociale bien plus que nous.

Gaston Monnerville fut également un humaniste, un homme de paix épris de liberté, respectueux de la loi au service des hommes et du respect des institutions, en cela je ne puis ne point évoquer sa rupture d’avec le Général De Gaulle, pourtant et malgré tout si proches. Si pour l’un, l’homme est au centre de tout, pour l’autre c’est la nation qui prime, alors si nous pouvons comprendre de ces deux grands hommes les valeurs profondes de leurs divergences, il ne nous ait néanmoins pas facile d’appréhender réellement les fondamentaux de leurs visions politiques respectives pour les bénéfices de la France contemporaine. Tout juste pouvons-nous avancer que l’un est un nationaliste convaincu et que l’autre est un patriote déterminé.

Alors, sans entrer dans des considérations qui leurs appartiennent et qui n’ont aujourd’hui aucun sens à envenimer, nous devons fort et clairement affirmer, pour leur être fidèles, notre volonté de défendre notre chère République, léguée par nos pères et son esprit, si cher à leur cœur, loin des calculs partisans, et faire de notre mieux pour qu’elle reste une et indivisible.

Je vous remercie.

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